Construire une autoroute pour les femmes et les filles en République démocratique du Congo
La République démocratique du Congo (RDC) est un pays aux contradictions déconcertantes : vaste par sa taille, mais la terre est un problème ; riche en ressources naturelles et avec un énorme potentiel hydroélectrique, mais où 73% de la population vit dans l’extrême pauvreté et seulement 19% ont l’électricité ; un pays vert, luxuriant et fertile, avec la deuxième plus grande population en insécurité alimentaire dans le monde et un pays si critique pour l’avenir d’un monde d’énergie verte, mais qui n’attire que des investissements étrangers minimes.
Existe-t-il une “solution miracle”, un remède aux problèmes insolubles qui permettrait de réduire ces contradictions, de débloquer et d’accroître le véritable potentiel du Congo ? Oui, comme l’a dit le président Tshisekedi, “les femmes sont l’avenir d’une nation”.
Après tout, des recherches menées sur plusieurs décennies prouvent que les entreprises sont plus rentables, les gouvernements plus efficaces et les communautés plus saines lorsque les femmes participent sur un même pied d’égalité que les hommes et contribuent à tous les aspects de la vie de l’économie nationale.
Il est également prouvé que des niveaux plus élevés d’égalité des sexes sont directement liés à des niveaux accrus de sécurité et de stabilité, et que lorsque les femmes participent aux processus de paix, les accords qui en résultent sont plus durables et mieux mis en œuvre. Ceci est particulièrement important en RDC où des décennies de conflit et de violence dans les provinces orientales (Ituri, Nord et Sud Kivu) ont déplacé près de 6 millions de personnes et laissé 5,5 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire.
Comme l’a exprimé un membre de la société civile congolaise, “la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes est essentielle à la consolidation de la paix, à la réduction de la violence et à la sécurité alimentaire. En d’autres termes, un avenir meilleur et différent.
Il existe cependant de nombreux obstacles à la participation des femmes sur un pied d’égalité, qui nécessitent une action collective urgente. En fait, pour établir et maintenir sans équivoque le rôle central des femmes dans toutes les facettes de la vie (économie, structures décisionnelles, institutions politiques, etc.), il faut une autoroute intégrée super chargée, utilisant les forces, les ressources, l’influence et l’effet de levier de chacun.
En RDC, cette “autoroute” commence avec le leadership du président Tshisekedi, qui a appelé à une plus grande responsabilité et à un investissement plus important dans l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, et qui est un champion de l’Union africaine pour la masculinité positive. L’initiative “Masculinité positive” de l’Union africaine, qui a été lancée à Kinshasa, permet à ses champions et à ses participants d’être des agents et des acteurs actifs de la transformation des normes sociales, des comportements et des stéréotypes sexistes qui perpétuent la discrimination et l’inégalité. Il s’agit notamment d’éliminer la violence fondée sur le genre, un obstacle important qui limite la participation sûre et significative des femmes à l’éducation, au secteur économique formel, à l’accès aux services de base et aux structures de prise de décision à tous les niveaux.
En gardant à l’esprit les obstacles, les opportunités et la nécessité de renforcer les partenariats et la coordination, Madame Mireille Masangu Bibi Muloko, ministre du Genre, et moi-même nous sommes rendues à Nsele, Kalemie et Kabalo dans la province du Tanganyika pour visiter les activités du PAM.
Nous avons vu le travail communautaire visant à renforcer la cohésion sociale, à maintenir les enfants à l’école, à accroître la rentabilité des entreprises et à développer des communautés plus saines grâce à la fourniture d’aliments nutritifs. Ce travail a été rendu efficace et durable en veillant à ce que les femmes et les filles soient au centre et à la tête de tous les efforts.
Nous avons également discuté des voies supplémentaires de l'”autoroute” qui s’appuient sur les lois et les services existants et les accélèrent :
Accès à l’information – Diffusion à grande échelle d’informations dans toutes les langues et sur tous les supports sur les lois nationales existantes, les droits, les protections et les droits, y compris les réformes essentielles apportées au code de la famille. Deux exemples clés : jusqu’en 2016, le code de la famille décrétait qu’une femme congolaise ne pouvait accomplir aucun acte juridiquement contraignant sans l’autorisation de son mari ; le droit d’une femme de choisir le lieu de sa résidence principale ; et le droit d’une femme de choisir son lieu de résidence principale. Le droit d’une femme de choisir son lieu de résidence, de signer un contrat, de trouver un emploi et d’ouvrir un compte bancaire était limité et elle était légalement tenue d’obéir à son mari.
En 1998, le code de la famille a codifié les protections des femmes contre la violence domestique, mais, à l’instar de l’amendement apporté en 2016, de nombreuses femmes ne connaissent toujours pas les lois et leurs droits. En fait, 52 % des femmes ont déclaré avoir subi des violences domestiques.
De plus, dans tout le pays, les communautés doivent savoir que l’enregistrement des naissances est gratuit et pourquoi il est nécessaire d’avoir une identité légale. 75% des enfants de la RDC n’ont pas de papiers et n’ont donc pas accès aux services de base tels que l’éducation et la santé ou la protection juridique. La propriété foncière, les demandes de prêt, un compte bancaire, un passeport, la preuve de l’ascendance nécessaire pour réclamer un héritage requièrent tous une identité légale, et le manque d’accès à l’un de ces éléments diminue les femmes/filles, et augmente considérablement leur vulnérabilité et leur dépendance à l’égard des autres pour survivre.
Un enregistrement légal de la naissance et de l’âge peut également servir à protéger les 37% de filles et 6% de garçons qui ont été mariés avant leur 18ème anniversaire, l’âge légal du mariage en RDC.
L’éducation des filles est un autre outil qui a fait ses preuves dans la lutte contre le mariage illégal des enfants, car chaque année supplémentaire de scolarisation a un impact remarquable sur la vie de l’individu, de sa famille et de la communauté au sens large.
Elle peut également être transformatrice pour les femmes qui n’ont pas pu accéder à l’école ou la fréquenter.
La possibilité d’acquérir des connaissances de base en lecture, écriture et calcul est fondamentale pour que les femmes se sentent équipées et confiantes pour participer aux structures de prise de décision au niveau du ménage et de la communauté, et pour qu’elles aient accès à l’information et à la création de revenus, renforçant ainsi leur capacité à gérer une entreprise et à être plus efficaces dans les transactions sur le marché. Les mères nous ont dit à plusieurs reprises et avec enthousiasme qu’elles voulaient aider leurs enfants à faire leurs devoirs, lire sur la façon dont elles pouvaient améliorer la santé et la nutrition de leurs familles, augmenter les rendements agricoles, accéder aux marchés et trouver un emploi.
En RDC, seuls 2,4 % des femmes perçoivent un salaire régulier, contre 18,4 % des hommes. Dans le secteur formel, elles représentent 20% des directeurs et, à l’exception de la Banque centrale, il n’y a actuellement aucune femme à la tête des entreprises publiques. La proportion d’entreprises formelles détenues par des femmes est de 15,1 %.
Selon la Banque mondiale, les petites et moyennes entreprises (MPME) sont l’un des principaux moteurs du développement économique et de l’emploi. En RDC, les MPME informelles emploient 89% de la population active, et c’est là que la plupart des femmes opèrent, sans bénéficier de la protection sociale offerte par les organismes officiels.
Les bénéfices des entreprises féminines sont inférieurs de près de 67 % à ceux des entreprises masculines, et les entreprises féminines comptent 70 % de travailleurs rémunérés en moins. L’enregistrement légal des MPME permettrait aux femmes d’avoir accès aux prestations de sécurité sociale, aux informations sur le marché et à la protection contre l’exploitation. Il s’agit également d’un point d’entrée pour l’obtention de prêts équitables auprès des banques, ce qui favorise l’innovation et la croissance.
Dans l’agriculture, les femmes jouent un rôle prédominant dans la production, puisqu’elles représentent 60 % de la main-d’œuvre et 73 % des agriculteurs. Cependant, la majorité des femmes sont des agricultrices de subsistance, cultivant du manioc toute l’année et des arachides, du maïs et des légumes de manière saisonnière sur 3 ou 4 parcelles de 0,2 à 0,4 ha chacune.
L’énorme potentiel de la RDC ne sera pas réalisé sans la pleine participation des femmes et des filles. Les rendements et la diversité agricoles pour mettre fin à la malnutrition et à l’insécurité alimentaire au niveau national et régional, à moins que les femmes/filles soient légalement documentées et donc capables de posséder et d’hériter de la terre ; alphabétisées et capables d’accéder à l’ensemble des connaissances existantes dans n’importe quel domaine et opportunités qu’elles poursuivent ; respectées en tant qu’égales par tous les hommes de sorte que leur contribution – dans le ménage ou les chambres du Parlement – ait un impact à pleine valeur ajoutée.
Une autoroute du développement humain et de l’égalité des sexes, réunissant le gouvernement, les Nations unies, la société civile, les IFI et le secteur privé, afin de s’assurer, une fois pour toutes, que nous éliminerons les obstacles à un avenir de sécurité alimentaire, de paix et de prospérité pour tous les habitants de la RDC – les femmes, les hommes, les garçons et les filles.