Côte d’Ivoire : le miel et les abeilles, nouvel or des agriculteurs
Dans la nuit qui vient de tomber, visages voilés et mains gantées, les deux hommes opèrent avec précaution en combinaisons épaisses pour commettre leur forfait… Voler aux abeilles le miel de leurs ruches à Assounvoué, au centre de la Côte d’Ivoire, où l’apiculture est en plein essor.
De nombreux paysans de ce pays agricole premier producteur mondial de cacao découvre ce métier, qui permet d’augmenter leurs revenus avec la vente de miel mais aussi avec des rendements plus importants de leurs terres grâce à une meilleure pollinisation réalisée par les abeilles.
« Récolter la nuit en Afrique de l’ouest est obligatoire », raconte l’apiculteur français Sébastien Gavini, co-dirigeant de la société Le bon miel de Côte d’Ivoire. « Ce sont des abeilles sauvages et agressives. Elles ne se laissent pas faire. En travaillant la nuit, elles ne nous suivent pas, on ne fait ainsi pas courir de risques aux populations. »
La « force » des abeilles ouest-africaines est qu’elles sont « plus sauvages, peu habituées au contact avec l’homme » contrairement aux européennes qui sont menacées notamment par l’usage d’insecticides et pesticides.
Ici, l’apiculture moderne en est à ses débuts, souligne François Silué, de la Société coopérative ivoirienne de Katiola (Nord), où est produit le miel le plus réputé du pays.
« Notre devoir est d’amener les paysans à ne plus tuer les insectes, à changer de culture », explique l’apiculteur formé par des coopérants japonais et allemands. Sa coopérative regroupe une cinquantaine d’agriculteurs qui se sont laissé tenter par le miel.
Meilleure pollinisation
Au niveau national, il est compliqué d’avoir des statistiques sur l’apiculture : « il n’y que des chiffres parcellaires », explique le Dr Marcel Iritié, président de la Plateforme agricole de Côte d’Ivoire.
Cette plateforme revendique quelque 30 tonnes de miel produites par an à travers une centaine d’adhérents et plusieurs coopératives. « Mais ça ne prend pas en compte des centaines de petits producteurs », ajoute-il.
Tous ou presque ont gardé leur métier d’agriculteur et le miel est une activité annexe.
« Le paysan qui fait de l’apiculture gagne doublement : l’argent du miel, mais aussi ses rendements sont meilleurs grâce à une meilleure pollinisation », assure Mathieu Offi, Ivoirien, l’autre co-dirigeant du « Bon miel de Côte d’Ivoire ».
S’il est un des apiculteurs les plus expérimentés du pays dispensant des formations, lui aussi a gardé son métier principal d’agriculteur près de Kossou au centre du pays.
« Grâce aux abeilles, la production peut être multipliée par 1,6 », affirme-t-il, soulignant que l’activité est peu chronophage : « Ce sont les abeilles qui font tout le travail ! ».
A Assounvoué, MM. Offi et Gavini ont installé des ruches sur le terrain d’une plantation maraîchère bio. L’alliance du bio et des ruches fait merveille. « Les abeilles sont comme les humains, elles s’épanouissent dans un environnement correct. Avec des pesticides elles souffrent », explique M. Offi.
Un miel de qualité
« Il faut me mettre cinq ruches de plus! », affirme enthousiaste Ahmed Yao, ouvrier agricole qui perçoit à la fois une partie des recettes du miel et des récoltes maraîchères.
1. Offi et Gavini ont signé des partenariats avec des entreprises agricoles produisant bananes ou autres fruits. « On partage les recettes du miel et eux ont en plus une meilleure pollinisation. C’est gagnant-gagnant », explique Sébastien Gavini, qui forme des petits planteurs à l’apiculture.
Pour convaincre, il mise aussi sur l’investissement « minime » que requiert l’apiculture. « Tout compris, une ruche coûte 35.000 F CFA (50 euros). Ajoutez une tenue et un peu de matériel, ça ne dépasse pas 65.000 (100 euros). C’est amorti dès la première année ».
Le prix du miel varie entre 3.000 et 10.000 francs (15 euros) le kilo, et ses produits dérivés (cire, propolis, miellat, huiles essentielles, venin d’abeilles…) se vendent bien.
« Le goût du miel change selon ce que butine l’abeille. Le miel d’ici est réputé parce qu’il y a de l’acacia et de l’anacarde (noix de cajou). Il est sucré », explique Edvige Brou Adoua, vendeuse à la coopérative de Katiola.
Elle insiste : à la coopérative, pas de mélange ! Dans la capitale économique Abidjan, il n’est pas rare de voir des vendeurs de rue proposer du miel coupé à l’eau et au sucre.
« La qualité, c’est le plus important », acquiesce, Sébastien Gavini. « On de la chance d’avoir des variétés de miel incroyable: fleurs de caféier, fromager (grand arbre africain), oranger, acacia, anacarde… Ces miels ont un goût spécifique. La Côte d’Ivoire peut devenir le premier producteur mondial de miel de qualité. On a tout pour ! »
Article de metrotime.be