Crise de la covid-19: la reprise passe par l’extension de la protection sociale aux populations rurales
L’élargissement de la protection sociale aux populations rurales constitue un préalable indispensable à un relèvement durable, inclusif et résilient après la covid-19, et cette mesure doit figurer au cœur des politiques de reprise après la pandémie, selon le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), M. Qu Dongyu, qui s’adressait mercredi au Forum mondial pour une reprise centrée sur l’humain, accueilli par l’Organisation internationale du Travail (OIT).
En raison d’un certain nombre de handicaps, qu’il s’agisse de l’isolement de leurs territoires, du caractère généralement informel de leurs activités, ou encore de la faiblesse et de l’irrégularité de leurs revenus, inhérentes à la saisonnalité du travail dans l’agroalimentaire, les populations rurales se voient privées d’un accès adéquat aux services de protection sociale, en particulier aux régimes financés par cotisations. Tel est le constat dressé par le Directeur général, qui a rappelé que les populations rurales ont été les plus durement touchées par les effets de la pandémie de covid-19, ce qui n’a fait qu’accentuer les inégalités entre ceux qui bénéficient d’une couverture de santé et d’une protection sociale et ceux qui en sont dépourvus.
M. Qu s’exprimait lors d’une séance du forum à laquelle participaient également le Président de la République du Mozambique, M. Filipe Nyusi, et le Premier Ministre belge, M. Alexander De Croo, et qui était animée par la journaliste et présentatrice de télévision Mme Zeinab Badawi.
Les lacunes de la protection sociale
Pour la FAO, la protection sociale consiste en un ensemble d’interventions dont l’objectif est de réduire les risques et les facteurs de vulnérabilité sur les plans social et économique, et de faire reculer l’extrême pauvreté et le dénuement. Il peut s’agir d’une aide sociale, comme celle que fournissent les pouvoirs publics sous forme de transferts en espèces ou en nature, ou de mesures de protection des travailleurs, comme le versement d’allocations aux demandeurs d’emploi, le renforcement des compétences des travailleurs et l’organisation de formations professionnelles.
M. Qu a souligné la nécessité d’adapter les politiques de protection sociale aux besoins propres à chaque pays, ce qui vaut tout particulièrement pour l’Afrique, où plus de 80 pour cent de la population ne bénéficie d’aucun type de prestations sociales.
«Malgré l’élargissement récent de la protection sociale au plan mondial, seul un ménage sur dix en Afrique subsaharienne et moins d’un ménage sur cinq en Asie du Sud ont pu bénéficier d’une forme ou d’une autre de protection sociale mise en place en réponse à la covid-19», a précisé le Directeur général.
Plus de 80 pour cent des travailleurs ruraux indépendants relèvent du secteur informel, et c’est dans le secteur agroalimentaire que l’on observe le taux d’emploi informel le plus élevé. En outre, les habitants des zones rurales sont deux fois plus susceptibles d’occuper un emploi informel que ceux des zones urbaines.
M. Qu s’est fait l’écho de l’appel récemment lancé par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. Antonio Guterres, en faveur d’une accélération des progrès dans la création d’emplois décents et l’élargissement de la protection sociale, afin de combler les écarts tout en contribuant à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD).
Pour ce qui est de promouvoir l’emploi décent dans les zones rurales, le Directeur général a souligné la nécessité d’une approche intégrée devant s’appliquer sur trois grands axes: le développement rural en fonction des caractéristiques et des avantages concurrentiels propres à chaque pays en développement, notamment l’investissement dans la transformation des aliments, qui constitue l’un des moyens les plus efficaces de créer des débouchés, en particulier pour les jeunes et les femmes; la mise en place de politiques favorables aux petites et moyennes entreprises; et l’organisation de formations professionnelles devant permettre aux agriculteurs d’acquérir des compétences.
Des systèmes de protection sociale solides pour favoriser des moyens de subsistance solides
«L’instauration de systèmes de protection sociale solides ouvrira la voie au développement de systèmes agroalimentaires plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables, qui sont essentiels à la subsistance de 4,5 milliards de personnes, parmi lesquelles plus de 1,1 milliard de pauvres qui vivent et travaillent en milieu rural», a déclaré le Directeur général.
M. Qu a réitéré que la FAO prêterait appui à ses Membres pour qu’ils adaptent leurs politiques de protection sociale, afin d’y intégrer des mesures répondant spécifiquement aux besoins des personnes qui vivent de l’agriculture.
Il s’agira, par exemple, de permettre aux ménages qui pratiquent le pastoralisme d’encaisser des paiements le long des parcours de transhumance, de faciliter leur accès aux paiements électroniques ou encore de reconnaître le caractère saisonnier des moyens de subsistance des pêcheurs en revalorisant les montants des transferts sociaux pendant la morte-saison. Plus généralement, le but sera de rendre les systèmes de protection sociale plus réactifs aux chocs auxquels sont exposées les personnes qui tirent leurs moyens de subsistance du secteur agroalimentaire, qu’il s’agisse d’épisodes de sécheresse, d’infestations d’organismes nuisibles ou d’inondations.
Mobiliser des financements
«L’élargissement progressif de la protection sociale nécessitera des financements», a tenu à indiquer le Directeur général. «Nous avons besoin d’investissements, d’innovations, de technologies et, plus encore, d’une transformation numérique des systèmes agroalimentaires, sans quoi il nous sera impossible de parvenir à un développement plus inclusif», a-t-il précisé, en mentionnant que la mise en place de systèmes de protection sociale solides nécessitera aussi des partenariats efficaces, fructueux et cohérents et une solidarité mondiale.
La FAO et la protection sociale
La FAO reconnaît la protection sociale comme un droit universel. L’Organisation est membre actif du Partenariat mondial pour la protection sociale universelle et œuvre en étroite collaboration avec l’OIT, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la Banque mondiale et d’autres institutions à la création d’un consortium sur la protection sociale.
L’année dernière, la FAO et l’OIT ont présenté le rapport conjoint intitulé Étendre la protection sociale aux populations rurales, qui expose dans ses grandes lignes une démarche inter-institutions commune d’élargissement de la protection sociale aux zones rurales.
Source : FAO