RDC : vers la validation de l’avant-projet de la loi foncière
Après moult réaménagements à la Commission nationale de la réforme foncière (CONAREF), l’avant-projet de loi modifiant et complétant la Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés est maintenant prêt pour être validé. C’est ainsi qu’à partir de ce mercredi 25 mai 2022, des experts du Gouvernement, des partenaires du secteur, des délégués de la société civile et autres parties prenantes, sont réunis à Kinshasa dans le cadre de l’atelier national de validation de cet avant-projet.
Trois jours durant, les participants se penchent à apporter leurs contributions à l’adaptation des dispositions légales contenues dans ce texte de loi, avant son adoption par le Parlement. C’est le ministre des Affaires foncières, Aimé Molendo Sakombi, qui préside personnellement ces assises abritées à Pullman Hôtel Kinshasa.
À cette occasion, la Confédération nationale des producteurs agricoles du Congo (CONAPAC), une des trois faitières paysannes de la République démocratique du Congo (à côté de l’UNAGRICO et de la COPACO), appuyée par ses partenaires comme S.O.S Faim, TRIAS, va présenter les préoccupations des petits producteurs pour cette révision de la loi foncière.
Le délégué de la CONAPAC à ces assises, M. Malembe Simplex, chargé de plaidoyer, a aussi bénéficié du soutien des chefs coutumiers, dont le mwami Ndeze Jean-Baptiste de la chefferie Bwisha, territoire de Rutshuru dans la province du Nord-Kivu.
Pour rappel, signalons que l’actuelle loi foncière date de 1973, il y a environ 50 ans. Il s’agit de la loi n° 73-021 du 20 juillet 1973, portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés, telle que modifiée par la loi n° 80- 008 du 18 juillet 1980. Le processus de son évaluation a été déclenché depuis 2019.
Cette évaluation menée par des scientifiques, a été accompagnée par une large consultation des parties prenantes (autorités provinciales, autorités coutumières, sociétés civiles, etc.). Les recommandations issues de ces travaux en amont, ont été consignées dans le Document de politique foncière nationale (DPFN), adopté par le Gouvernement le 15 avril 2022, et dans l’avant-projet de loi modifiant et complétant la loi de 1973 sus-indiquée.
C’est l’aboutissement d’un travail intense de trois ans, fondé sur la mobilisation de l’expertise nationale, les consultations nationales de parties prenantes dans les 26 provinces, une appropriation politique responsable et un accompagnement très apprécié des partenaires techniques et financiers dans le cadre de l’Initiative CAFI. En résumé, cet avant-projet de loi reflète la vision, les objectifs et les axes stratégiques du DPFN, qui sauvegarde les options fondamentales de la loi de 1973.
À savoir, la propriété exclusive et inaliénable de l’État sur le foncier ; la concession perpétuelle en faveur de seules personnes physiques congolaises ; la limitation de la superficie concessible en concession ordinaire ; et la domanialisation des terres rurales. Outre les questions de cohérence interne du texte et la nécessité de son adaptation à l’évolution politico-administrative de l’État, la majeure partie des dispositions correctrices contenues dans l’avant-projet concerne le régime foncier.
Des faiblesses ont été relevées et ont appelé à des corrections. Premièrement, en matière de sécurité juridique des droits reconnus aux particuliers. Pour ce faire, la loi exige cinq choses.
Point 1 : En plus du certificat d’enregistrement applicable sur les biens fonciers et immobiliers issus du lotissement, la titrisation particulière pour la protection des biens fonciers et immobiliers des particuliers situés dans les terres rurales ou péri-urbaines.
Point 2 : l’exclusion expresse du régime des biens abandonnés, c’est-à-dire de l’application de la prescription soit acquisitive ou extinctive en matière des biens fonciers et immobiliers, jadis source flagrante d’insécurité juridique des droits des particuliers.
Point 3 : l’instauration d’un dispositif détaillé des démembrements du droit de propriété, à savoir l’usufruit et l’usage, en plus du régime restreint en cette matière prévue dans la loi 73.
Point 4 : l’instauration d’un dispositif détaillé des servitudes foncières, etc. Et dernier point : l’instauration d’une compétence précise au juge administratif en ce qui concerne l’opportunité de l’expropriation pour cause d’utilité publique, en complément du juge de l’indemnité en cette matière.
En deuxième lieu, la correction concerne la gouvernance et la dévolution des compétences en matière foncière. À ce sujet, la loi donne aussi cinq exigences : la matérialisation d’une dévolution claire des compétences entre les autorités nationales, provinciales et locales sur la gestion des terres ; une limitation revue de la superficie concessible en concessions ordinaires ; l’instauration d’un système information foncière (SIF) facilitant le cadastrage des terres et de la revue légale censés prévenir désormais contre la thésaurisation des terres ; l’instauration de l’évaluation environnementale en ce qui concerne les concessions d’une grande superficie, tout en veillant à ce que cette évaluation ne fasse pas double emploi avec celle prévue par des régimes particuliers (foresterie, agro-pastoral, mines, hydrocarbures, etc.) ; et le renforcement des conditions d’accès aux fonctions de Conservateur des titres immobiliers (CTI).
Troisièmement, la correction est portée au niveau de la protection des terres des communautés locales et des peuples autochtones pygmées (PAP). À cet effet, la loi lève quatre options :
Primo : la délimitation des terres des communautés locale ; Secundo : le renforcement du dispositif juridique et institutionnel. Tertio : l’instauration d’un régime de protection spéciale des terres des peuples autochtones pygmées (PAP).
Quarto : le renforcement du droit d’accès à la terre par les femmes, les jeunes et les autres personnes vulnérables, aussi bien dans les circonscriptions foncières urbaines que rurales, notamment par l’exclusion expresse de toute coutume qui restreigne cet accès, etc.
Et en dernier lieu, la correction concerne le renforcement du dispositif répressif applicable aux infractions en matière foncière et immobilière. Quant à ce, le volume des peines des servitudes pénales et des amendes a été revu à la hausse et des incriminations nouvelles ont été érigées.